lundi 6 août 2012

Coco Noir est le Bleu des filles



On raconte que chez Chanel, le lancement de La Petite Robe Noire en 2009 aurait fait grincer bien des dents. Las! Chez Guerlain, on a rétorqué, nananère, que Chanel n’avait jamais déposé le nom de son vêtement le plus emblématique. Et enfoncé le clou en transformant l’édition limitée en mainstream cette année, avec le succès qu’on connaît. 

Étant donné le temps qu’il faut pour orchestrer un grand lancement, il est possible que Chanel n’ait pas conçu Coco Noir comme une riposte. Mais à vue de nez, on pourrait le soupçonner.

Patrimoine Chanel oblige, ce sont les affinités de Coco pour Venise et son style byzantin qui sont revendiquées pour ce nouveau parfum. J’en déduis donc qu’on a repéré des buissons de fruits rouges au bord du Rialto car tout comme La Petite Robe Noire, le nouveau Chanel tire plus sur le jus de mûres que sur sa couleur éponyme… Bref, dans le sillage de Lady Million qui, dixit le détenteur de la licence Paco Rabanne, Puig, est « le meilleur lancement mondial parfum féminin 2010 avec une progression de 37,2% en 2011 », les nouveaux produits des deux maisons françaises les plus vénérables sont des fruitchoulis.

Sans doute Coco Noir vise-t-il à réaliser en féminin ce que Bleu, best-seller talonnant de près 1 Million et Acqua di Gio dans les palmarès, a réussi pour les masculins, en jouant sur des codes mainstream que Chanel a d’ailleurs contribué à établir avec Coco Mademoiselle. Jacques Polge et Christopher Sheldrake semblent avoir décidé de démontrer ce que le genre pouvait donner, quand on s’y attaque avec élégance. Et de fait, Coco Noir est un parfum agréable, plus fin que La Petite Robe Noire où je décèle le même fond boisé un peu plastique que dans Shalimar Parfum Initial (qui, de mémoire, n’existait pas dans l’édition limitée du Guerlain). L’effet fruits rouges (non revendiqué) est plus net, le cœur floral plus ample, le patchouli dégage ce léger relent de feuilles moisies qu’on karchérise en général de nos jours. Le fond musqué est plus puissant. Bref, dans le style, c’est sans doute la déclinaison la plus réussie.

Mais bien qu’il soit infiniment plus chic que le blockbuster joyeusement bling-bling de Paco Rabanne et moins ouvertement girly que le Guerlain, La Petite Lady Coco Noire n’en semble pas moins viser un public friand de sucreries. D'ailleurs, à en juger par l’autre grand lancement de la rentrée, La Vie est Belle de Lancôme (rejeton d’Angel et de Dior Homme sur lequel je reviendrai sous peu), il y a fort à parier que l’industrie mettra encore longtemps à se hisser hors de la cuve à confitures. Fussent-elles des confitures couture. 

Illustration: Balloon Dog de Jeff Koons, Fondation Pinault, Venise

6 commentaires:

  1. Denyse, si vous le trouvez plus fin que La Petite Robe Noire, alors j'ai vraiment hâte de le découvrir.
    Malgré tout ce que disent ses détracteurs, LPRN est, à mon avis,un gourmand-rétro des plus réussis; il me rappelle la confiserie de luxe de mon enfance...et le plus étrange, c'est que je n'ai jamais vraiment aimé les bonbons.D'ailleurs,c'est ma fille qui le porte.Je ne manquerai pas d'essayer celui-ci, donc.

    RépondreSupprimer
  2. Zab63, il y a un effet dans la version actuelle de LPRN qui me gêne assez par rapport au premier, et qui n'existe pas dans Coco Noir. Avec ce nom et ce flacon, le parfum de Chanel crée un malentendu, mais en tant que tel, si on aime ce registre, ça vaut la peine d'aller l'essayer.

    RépondreSupprimer
  3. Je suis tout à fait d'accord avec toi sur l'odeur de bois/plastique dans LPRN et Shalimar Parfum Initial... Je ne peux supporter ni l'un ni l'autre. Qu'est-ce que j'en ai marre du fruitchouli! Au prochain..... En l'occurance, Amouage Interlude. J'espère qu'il ressemblera au style de mémoir, que j'adore.

    RépondreSupprimer
  4. Tara, c'est rassurant de songer que je ne suis pas la seule à sentir ça. Quant au fruitchouli et assimilés, je crois qu'on n'est pas encore sortis de la cuve d'ethyl maltol, hélas.

    RépondreSupprimer
  5. Ah Coco Noir... Une promesse, une envie et au bout du chemin, une mini-déception! Loin d'être un grand parfum, c'est un bon parfum. Un mixte des grands succès maison, un peu d'Allure par ci, un peu de Coco Mademoiselle par là, Une touche de N°5 et un pu (mais vraiment peu) du baroque de Coco.... Il réussit là où Allure décevait avec sa note unique, censée se décliner différement sur votre peau et qui, à l'arrivée, sentait la même chose sur tout le monde... Noir, il n'est pas, plutôt en demi-teinte... Mais un Bon Chanel loin d'être grandiose n'est-il pas mieux que toutes ses confitures de fruit, pralinée, chocolatée que nous servent la concurrence?!?!....

    RépondreSupprimer
  6. Jihelji, je n'ai rien contre les confitures et les pralines lorsqu'elles sont exquises... et en effet, Coco Noir est un bon parfum. Sans doute l'une des meilleures expressions de ce genre-là.

    RépondreSupprimer